I set the camera up
and tell my storyIf you want a happy ending, that depends, of course, on where you stop your story Si il y a une chose que tu as toujours compris et retenu dans ta vie, c'est l'importance des questions. On n'y pense pas assez mais ce sont quand même grâce à elle qu'on apprend. Qu'on apprend des faits historiques ou des faits culturels. Qu'on apprend à connaître quelqu'un. Toi, ça ne t'a jamais dérangé, qu'on t'interroge. Tu n'es pas narcissique, tu ne te qualifierais pas comme tel en tout cas, mais tu n'as jamais eu de problème avec l'idée de parler de toi. Peut-être parce que tu t'es toujours dit que le jour où tu deviendrais célèbre, tu passerais du temps en interview et que les questions deviendraient ton quotidien. Ce rêve, tu ne l'as jamais atteint. Mais les questions n'ont-elles pas toujours été une part de ta vie quotidienne ?Chapitre I : Les réponses d'une enfantTu as cinq ans. C'est ton premier jour dans cette classe-ci, tu as quitté la moyenne section parce que maman t'a dit que tu étais une grande, maintenant, et que les grands doivent apprendre des choses de grand. Toi, tu te sens grande, justement. Tu te tiens bien droite, tu souris aux autres enfants. Tu n'es là que depuis le jour même et pourtant, à la récréation, tu es déjà prête à jouer avec tout le monde. Maman t'a dit que Barbara était là, si tu avais besoin d'elle. Mais tu n'as pas besoin d'elle parce que tes copines sont là, elles aussi. Comme toi, elles ont changé de classe et sont grandes. Et les grandes n'ont besoin de personne. Surtout quand on est comme toi et qu'on s'impose comme le chef de bande. C'est peut-être pour ça que c'est toi que la petite nouvelle vient voir. Mais tu ne sais pas comment elle s'appelle, tu te chamaillais avec Cassie quand la maîtresse l'a présentée.
«
Comment tu t'appelles ?- Romy. Et toi ?- Jessica.- T'habites où ?- Pas loin de l'école.- Comme moi ! Tu veux jouer avec nous ? On joue aux actrices. »
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Tu es assise dans le bureau de la directrice de l'école. Tu sais que tu as fait une bêtise parce que Papa est assis à côté de toi et qu'il n'est jamais là, quand la maîtresse te dispute, normalement. Tu n'es pas très fière de toi. Tu ne sais pas encore ce qu'on te reproche - enfin, si, tu as une idée, même plusieurs - mais tu te tiens bien droite. Tu ne veux pas montrer que tu as peur de te faire disputer, même si Papa n'est pas du genre à lever la voix sur ses filles.
C'est la directrice qui parle en premier. Elle te regarde le temps d'un instant, mais elle lève vite les yeux vers Papa. Parce que c'est lui le grand et qu'ils vont parler de choses de grand. Enfin, non, ils parlent de toi. La directrice explique que tu n'as pas été très sage ces derniers temps. Tu parles beaucoup en classe, tu fais le pitre quand tu dois expliquer des choses à tes petits camarades. En plus, tu oublies souvent tes affaires. Mais le pire dans tout ça, c'est ta bagarre avec Jessica, ta copine depuis qu'elle est arrivée l'année dernière.
«
Pourquoi as-tu tapé Jessica, Romy ? »
La directrice te regarde, avec ses gros yeux. Elle te fait peur, elle ressemble à une sorcière mangeuse d'enfant. Peut-être même qu'elle va te faire cuire dans son four secret. Heureusement, Papa est là. Et rien ne peut t'arriver quand Papa est là, tu en es certaine. Alors tu t'armes de courage, tu la regardes avec une petite moue sur le visage.
«
Parce qu'elle a dit qu'on peut pas être actrice, que c'est que pour de faux.- Quoi ?- Je lui ai dit que je voulais faire actrice quand j'serai grande et elle a dit que je pouvais pas parce que ça existe pas. Alors que ça existe, hein oui, Papa ? »
C'est vrai que ça existe. Tu le sais, toi. C'est Barbara qui te l'a dit quand tu as pleuré parce que la nounou du bébé dans Willow est morte. Elle t'a dit qu'elle n'était pas morte pour de vrai, que c'était une actrice et qu'elle était toujours vivante en vrai. Et elle est intelligente, Barbara, et sage, plus que toi. Elle ne t'aurait pas menti. C'est ta sœur et même si tu la trouves parfois un peu ennuyante, tu sais qu'elle ne t'aurait pas raconté n'importe quoi.
Chapitre II : Les réponses d'une adolescenteLes gens autour de toi accourent. C'est normal, tu es aux urgences et les blessés s'accumulent même si la ville n'est pas la plus grande du pays. Ça fait déjà une heure que tu es là et que tu attends. Tu commences un peu à perdre patience. Tu te demandes même si tu ne vas pas te lever et faire un numéro de scandalisée en espérant que quelqu'un en ait suffisamment marre pour qu'on te prenne en charge. Heureusement, quelqu'un vient enfin te voir, une femme que tu dépasses d'une bonne tête car même si tu n'as que quinze ans, tu es déjà grande. Elle t'emmène dans une salle à l'écart et cette fois-ci, ce n'est pas sur une chaise inconfortable que tu t'assois mais sur un lit.
«
Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ?- Je suis tombée d'une poutre, en sport. Mes parents devraient bientôt arriver.- Vous vous êtes déjà blessée au poignet, avant ? - Non, jamais. A l'épaule, une fois, mais au poignet, non. »
Tes activités extrascolaires sont simples : tu fais du théâtre et parfois, tu essaies un sport sans jamais t'y tenir. Ta blessure à l'épaule, tu la dois à ce cours d'équitation que tu as voulu prendre l'année dernière. Tu en as pris pendant deux mois, à vrai dire. Jusqu'à ce que tu tombes sur un cheval énervé à cause duquel tu es tombée.
«
Pas d'allergie particulière ?- Aucune.- Alors, dans ce cas, direction la radio. »
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«
Romy ! C'est toi qui as pris la tablette de chocolat ? »
Tu sursautes en entendant la voix de ta mère. Elle a parlé si fort que tu l'as entendu malgré le son qui sort de ton poste-radio. Et tu sais que lorsqu'elle prend cette voix, ce n'est pas bon pour toi. Tes yeux se posent sur la tablette ouverte et à demi-mangée, posée sur la table de chevet. Ton visage prend une expression coupable alors que tu mordilles ta lèvre inférieure. Elle n'était pas censée se rendre compte de ton vol. Normalement, Maman ne fait pas de pâtisserie en semaine.
«
C'est pas moi, c'est Barbie ! »
Tu parles. Barbara ne vit plus à la maison, elle est en Italie. Avant, tu pouvais l'accuser, même si Papa et Maman ne t'ont jamais cru, bien conscient qu'entre elle et toi, c'est toi qui fais le plus de bêtises. Mais maintenant, tu ne peux plus. Elle te manque, Barbara. C'est vrai que vous êtes différentes et que tu l'as toujours un peu embêtée. Et au début, tu étais plutôt contente d'avoir enfin la maison pour toi toute seule, de pouvoir prendre le maquillage qu'elle a laissé dans sa chambre/ Mais ça te manque, de ne pas avoir ta grande soeur à tes côtés. Toutefois, tu sais que si elle est partie, c'est pour étudier dans un cadre aussi nouveau qu'excitant et que c'est important pour elle. Elle est toujours aussi intelligente et passionnée, Barbie et rien que pour ça, tes yeux de petite soeur la regardent avec admiration, même si tu ne l'as jamais révélé.
«
Romy Costigan, viens ici tout de suite ! »
Chapitre III : Les réponses d'une rêveuseTu détestes ces rendez-vous obligatoires et inutiles. Tu as dix-sept ans, tu n'as pas envie qu'on te dise quoi faire de ta vie. C'est pourtant ce que fait le conseiller d'orientation de ton lycée et avec sa tête de je-sais-tout, il t'a toujours énervée. Mais c'est tout de même dans son bureau que tu es assise. Tu viens de répondre à une série de questions visant à déterminer quelle branche professionnelle t'irait le mieux. C'est bidon et c'est une perte de temps. Mais le conseiller a l'air de s'amuser comme un petit fou. La preuve, il a décidé de te demander ce que tu penses être le mieux pour toi avant de te révéler le résultat de son test.
«
Alors, Romy ? Qu'est-ce que tu veux faire, toi ?- La même chose que le mois dernier.- Actrice ?- Oui, actrice. Je veux faire du théâtre ou du cinéma.- Tu as conscience que c'est difficile de se faire un nom dans ce métier et qu'il ne t'offrira pas une vie stable ? »
Tu mordilles l'intérieur de ta joue, visiblement contrariée d'entendre cette remarque, une fois de plus. Tu as arrêté de compter le nombre de fois où on t'a découragé de la sorte. Tu ne comprends pas pourquoi personne ne croit en toi, pourquoi on ne t'aide pas et pourquoi tout le corps enseignant semble d'accord pour dire que tu fais une connerie. Mais tu t'en fiches, des statistiques et des autres chiffres qui ne te parlent pas. Tu sais ce que tu veux faire de ta vie, et tu sais aussi que tu feras tout pour réussir. Tu sais que tu en es capable. Et tu ne laisseras personne te dire le contraire, pas même ce conseiller idiot qui laisse tomber son verdict : tu es visiblement faite pour la communication. Tu le regardes en retenant un soupir. Rendez-vous inutile, tu l'avais bien dit.
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Allongée sur le ventre, magazine dans les mains et jambes repliées, tu remplis un quiz un peu idiot mais qui a au moins le mérite de t'occuper le temps qu'Isaac ne prenne sa douche. Ça fait deux ans que vous êtes ensemble, lui et toi. Vous vous êtes rencontrés chez des amis communs, Astrid et Tom. Toi, tu étais invitée parce qu'Astrid est ton amie depuis vos études en arts dramatiques. Isaac, lui, était là parce que Tom est son ami depuis le lycée. Quand tu le regardes, tu te dis souvent que vous vous êtes bien trouvés. Vous n'avez pas le même caractère mais vous voyez la vie de la même manière et tout semble toujours naturel, entre vous.
«
Qu'est-ce que tu veux manger, ce midi ? »
Tu hausses les épaules alors qu'il s'assoit sur le bord du lit, une serviette autour de la taille en guise de vêtement. Tu abandonnes aussitôt ton magazine. Tu n'as pas besoin que ce quiz te dise que tu es extravertie, tu le sais déjà. Sans t'en préoccuper, tu enroules tes bras autour de son cou et poses ton menton contre son épaule.
«
Tu n'as jamais rêvé d'aller vivre ailleurs ?- Ailleurs ? Comme où ?- Comme New York, par exemple. »
Il tourne la tête pour te regarder. Il te connaît, il sait que tu ne poses pas ce genre de questions innocemment. C'est vrai que l'idée de partir te trotte dans la tête depuis un moment. Tu n'as pas réussi à percer dans la comédie ici, mais tu te dis qu'il y a peut-être des belles choses qui t'attendent de l'autre côté de l'océan. Tu as envie d'y croire, en tout cas. Tu n'as que vingt-cinq ans, tu as encore la vie devant toi mais il n'y a pas d'âge pour prendre sa vie en main et réaliser ses rêves, n'est-ce pas ?
«
Je ne sais pas, Romy. »
Chapitre IV : Les réponses d'une lâche«
J'espère que tu sais ce que tu fais. »
Les mots de Barbara résonnent encore dans ta tête lorsque tu pénètres dans le couloir au fond duquel se trouve la chambre de Papa. Il est à l'hôpital depuis déjà deux semaines et toi, tu es censée t'envoler pour les Etats-Unis dans trois jours. Tu n'as encore rien annulé et tu ne le feras sans doute pas. Du haut de tes vingt-six ans, tu ne saurais pas décrire ton état d'esprit. Une partie de toi veut rester, l'autre veut partir. Une partie de toi veut soutenir ton père, l'autre refuse de voir sa santé se dégrader. Tu retiens déjà tes larmes quand tu passes la porte et que tu le vois sur le lit. Il attend les résultats de ces derniers examens et malgré le cancer qui le ronge, il a l'air serein et heureux. Il te sourit lorsque tu t'approches et que tu embrasses son front. Tu ne sais pas comment il arrive à tenir le coup. Toi, tu es incapable de le regarder sans penser à toutes les épreuves qui l'attendent.
«
Alors, tu es prête pour le grand départ ?- Je ne sais pas, Papa. »
Tu ne l'es pas, tu ne l'es pas du tout. Tu ne sais même pas si Isaac va t'accompagner, vous n'avez pas beaucoup parlé ces derniers temps. Tu sais que Barbara et ta mère seront déçues si tu t'en vas. Papa le sera sûrement aussi. Qu'est-ce que tu es censée faire, toi ? Tu regardes simplement ton père, comme s'il détenait les réponses à tes questions. Et c'est sans doute le cas, lui qui a toujours su trouver les mots qu'il fallait, sans jamais juger. Il te prend la main, tu suis son mouvement du regard avant de lever les yeux vers lui.
«
Vas-y, Romy. Tout va bien se passer pour moi, avec Barbara et ta mère, j'aurais bien assez de deux femmes sur le dos. »
Il rit un peu et tu te joins à lui. Elles ont toujours été plus protectrices que toi. Toi, tu n'as pas le sens des responsabilités et même si tu aimes profondément tes proches, tu n'as jamais su agir comme un bouclier pour eux.
«
Mais toi, ma chérie, tu dois tenter ta chance. Tout est déjà prêt et je crois en toi. Je sais que tu vas réussir. Alors, n'aies pas de regrets, ne te torture pas l'esprit. Je t'appellerai, je viendrai même te voir lorsque j'irai mieux. Mais en attendant, tu vas conquérir l'Amérique, ma petite ! »
Si tu avais su... Si tu avais su, tu aurais fait des choix tellement différents.
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Ton téléphone est formel : il est bien vingt-et-une heures et demain, tu t'envoleras pour New York. Tes affaires sont prêtes, elles t'attendent chez toi. Demain, le vingt-et-un août, tu traverseras l'océan. Il y a un détail que tu ignores, toutefois : si Isaac sera là. Tu es assise dans son canapé, tu attends qu'il rentre. Vous êtes ensemble depuis trois ans, tu as une clé de chez lui mais vous n'avez jamais parlé d'emménagement. Les autres couples attendent-ils autant de temps pour aborder cette question ? Tu n'en sais rien et tu n'as pas le temps de t'interroger davantage : ton petit-ami fait son apparition. Tu te lèves, tu as envie de lui sourire mais la tristesse de partir est trop ancrée en toi.
«
Est-ce que tu viens avec moi ?- Je ne peux pas.- S'il te plaît, Isaac, viens avec moi. »
Tu le veux à tes côtés. Tu l'aimes et cette aventure, tu veux la vivre avec lui. Ça se voit dans tes yeux, ça se voit dans ton attitude. Tu t'approches de lui, tu veux le voir dire oui. Tu as besoin de le voir dire oui.
«
Je ne peux pas.- Alors quoi ? Je m'en vais et tu restes là ?- Reste, toi. »
Tu baisses les yeux. Tu sais que cette décision, tu la prends seule. Que cette décision, tu l'as prise seule. Malgré toutes les fois où tu as évoqué un possible départ du pays avec Isaac, il s'est toujours montré réticent. Tu le sais, tu l'as toujours su. Ça ne t'a pas empêché de ne penser qu'à toi lorsque tu as tout mis en place pour ton arrivée à New York. Mais tu perds l'homme que tu aimes. Tu laisses ta famille et ton petit-ami. Tu fais plus de mal que de bien et tout ça pourquoi ? Pour un rêve que tu espères atteindre sans aucune garantie.
Chapitre V : Les réponses d'une adulte désabusée«
Tu es sûre que tu veux rentrer ? Allez, Cost', reste avec moi ! »
Tu lèves les yeux vers ton colocataire, un sourire un peu triste sur les lèvres. Tu adores John. Tu sais que sans lui, les quatre années que tu viens de passer aux Etats-Unis n'auraient pas été les mêmes. Il a été ton colocataire, ton meilleur ami, ton confident. Toujours prêt à te remonter le moral en cas d'échec, toujours prêt à t'encourager en cas de victoire. Tu lui dois beaucoup. Il va te manquer.
«
Tu sais bien que je reviendrai. Je vais quand même pas louper ton anniversaire et ton inimitable soirée du Superbowl !- Tu as intérêt. Sinon, je viens te chercher par la peau des fesses ! »
Tu ris alors que tu t'assois sur ta valise pour pouvoir la fermer. Il est temps pour toi de retourner en Angleterre. Tu y croyais mais tu n'as pas réussi, ici. Tu as échoué à de nombreux castings, tu n'as décroché que des petits rôles sans importance et lorsque tu as enfin touché ton rêve du bout des doigts, une question budgétaire l'a détruit. Ça t'a vexée. Tu as été contrariée pendant des semaines et lorsque tu penses à tous tes échecs, tu l'es encore plus. Rien ne s'est passé comme tu le voulais.
Tu te lèves, tu regardes John avec une petite moue sur le visage. Tu restes ainsi une seconde, avant de faire un pas et d'aller le serrer dans tes bras, en contournant ton énorme valise. Deux autres t'attendent dans l'entrée, à côté de ton sac à main et d'un sac à dos.
«
Tu vas me manquer, John. »
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Tu as les yeux encore un peu rouges à cause de cet idiot de John qui t'a fait pleurer avant que tu n'embarques dans l'avion. Tu ne t'en inquiètes pas trop, tu sais que les rougeurs vont finir par disparaître. Tu souris donc à tes compagnons de voyage lorsqu'ils s'installent à tes côtés. C'est un couple, ils en ont une soixante d'années et l'homme te rappelle beaucoup ton père disparu. Tu as un pincement au cœur lorsque ton cerveau fait ce lien. Ton père te manque chaque jour. Tu penses à lui à chaque réveil, tout comme tu penses à Maman et Barbara. Tu appréhendes à l'idée de les retrouver. Tu sais que Maman t'accueillera à bras ouverts, elle t'a semblé heureuse lorsque tu l'as appelé pour la prévenir. Mais tu ne sais pas comment Barbie va t'accueillir, elle. Depuis que tu es partie, vous n'avez plus beaucoup parlé. Un coup de fil pour l'anniversaire, un autre pour les fêtes. Une discussion par-ci, par-là. Tu as l'impression que quelque chose s'est brisé entre vous. Ça te fait mal de te dire qu'elle pourrait avoir cessé de te voir comme sa petite sœur. Ça te fait mal de te dire que tu as abandonné les tiens pour un rêve que tu n'as même pas atteint. Que tu as loupé un tas de choses. Comme la naissance de ton neveu. Maman te montre régulièrement des photos de lui. Il est mignon, il ressemble beaucoup à Barbie. Tu te demandes souvent ce qu'il sait de toi. S'il sait que tu existes.
«
Vous allez à Londres pour le Nouvel An ? »
Ton voisin interrompt le fil de tes pensées. Oh non, tu ne viens pas pour les vacances. Tu rentres chez toi et tu as peur. Tu flippes carrément. Tu ne sais pas ce qui t'attend. Tu as peur d'avouer tes échecs. Tu as peur d'affronter tout ce que tu as abandonné en partant aux Etats-Unis. Mais tu gardes le sourire, tu ne veux pas montrer à cet inconnu, même s'il te fait penser à Papa, que rien ne va plus.
«
Non, je rentre chez moi. »
Chez toi... Ça fait longtemps que Londres n'a pas été ton chez-toi. Mais tu t'accroches à l'idée optimiste que tout va bien se passer. Tu sais déjà que tu ne seras pas démunie. Tu t'es déjà renseignée pour une colocation, tu dois rencontrer ta possible colocataire dans deux jours. Et puis, tu as appelé Jessica. Vous vous connaissez depuis si longtemps. Elle n'a jamais quitté Londres, contrairement à toi, et c'est là-bas qu'elle a ouvert sa librairie. Tu ne le voulais pas mais lorsque tu l'as appelé pour la prévenir de ton retour, elle t'a proposé de travailler pour elle le temps de t'installer et de dégoter un job qui te plaira davantage. Et tout ça, ça te rassure un peu. Tu te dis qu'après tout, tout ne sera peut-être pas si catastrophique que ça.